La musique est un remède
- Sabrina L.
- 19 juin 2024
- 3 min de lecture
Intéressons nous au caractère chinois 藥 (yào) signifiant remède/médicament. les différents radicaux et caractères qui le composent nous ouvrent sur une compréhension approfondie du sens de la guérison qu'avaient les chinois en ces temps anciens, nous offrant une perspective fascinante sur le lien entre esprit et matière et le rôle central que joue la notion de joie et d'harmonie, nécessaire dans le rétablissement de la vitalité et de l'équilibre. Je tente ici une approche, inspirée de ce qui m'a été transmis, mais aussi une retranscription de mon ressenti personnel, lui même issu de la rencontre de différentes traditions dont mon parcours est constitué.
藥 (yào) est composé de deux parties :

Le caractère 樂 (yuè)/musique, qui se réfère aussi à la notion de joie, de bonheur et de plaisir

auquel a été ajouté et le radical 艹 (çao)/herbe .
Pour les anciens chinois l'avènement d'une guérison, de l'harmonie donc, est le résultat de la joie,elle même intrinsèquement liée à la musique, celle-ci associée à l'action des plantes.
En d'autres termes cette joie nécessaire à l'esprit Shen 神 (dont le cœur est la loge), ne peut être dissociée de l'apport de la matière végétale pour constituer un remède ; la mise en relation de l'esprit et de la substance comme constituants d'une seule et même fonction contribuant à la ré-harmonisation de l'être et à sa guérison.
On retrouve ici la logique inhérente aux trois trésors :
Jing 精 /essence – Qi /气 /énergie - Shen 神 /esprit
Où l'esprit, l’immatériel en contact avec l'essence, matérielle engendre énergie, mouvement.
Et dans une logique de fragmentation à l'infini, ces trois pôles interdépendants , tout comme en l'homme, se retrouvent au sein du remède qui répond lui aussi à cette dynamique trinitaire :
Jing/ plante - Qi /harmonie – Shen /musique
Ce qui est intéressant dans ce lègue que sont les traditions écrites anciennes c' est notamment l’accès qu'elles nous offrent aux origines de la conception des principes fondateurs, la pensée, le rapport au réel, celui qu'avaient les chinois en l’occurrence mais sans doutes aussi d'autres civilisations de cette époque. Car si l'origine de la culture chinoise se fonde dans l'observation des phénomènes naturels rappelons que les lois de la nature sont les mêmes pour l'ensemble de l'humanité.
Le chant et la musique associés au soin tiennent une place importante dans toutes les traditions ancestrales du monde.
Que la musique soit prière, incantation, lamentation ou célébration on la retrouve dans tout les rites de guérison, en Afrique, en Australie, en Amérique, en Europe et en Asie, notons aussi que partout et de tout temps les plantes sont à la bases de toutes les médecines.
Au cours de mes différents apprentissages j'ai vécu, saisi, dans ma chaire et dans mon âme le lien ténu qui existe entre le monde des plantes et le chant.
Les indiens Shipibos d'Amazonie péruvienne, réputés pour leur médecine traditionnelle, celle ci fondée sur une incroyable connaissance des plantes, disent tenir ce savoir des plantes elles mêmes :
Les plantes soignent les hommes, puis leur enseignent leurs pouvoirs de guérison, comment être utilisées, ainsi que leur langage et ce langage n'est autre que le chant : il est ici une clé, un code, une vibration, un chemin vers les parts les plus subtiles de l'Homme mais aussi et surtout vers l'ensemble du vivant.
Car plus encore qu'un remède magnifique pour soigner le cœur des Hommes, le chant qu'insuffle les plantes est ce vrombissement tapi dans nos cellules, dans nos mémoires, celui qui s'élève pour rétablir le lien avec le vivant tout entier, un pont entre les règnes, une voie d’accès à l'essence de ce qui vibre en toute chose.
Et si j'ose pousser la réflexion un peu plus loin encore, on pourrait s'amuser à transposer à nouveau la logique des trois trésors dans la relation de communication qui s’établit entre les Hommes et les plantes, mais où cette fois l'Homme serait l'essence, le terreau d'ancrage de l’esprit des plantes. De cette alchimie des consciences naîtrait la musique, le chant.
On retrouverait alors cette même dynamique d'interdépendance et d'engendrement où les plantes cette fois tiennent place d'enseignantes...
Jing/ homme – Qi/chant – Shen/plante
💚
Sabrina Lucot.
Comments